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Léon Harmel apôtre social

“Ce cher fils m'a procuré les meilleurs jours de mon pontificat” disait Léon XIII à l'évêque de Carcassonne en parlant de Léon Harmel, en janvier 1892. Et, à la mort de ce dernier, en novembre 1915, Mgr Chapon ajoutait: “Mais sa glorieuse singularité consiste en ce que, dans le milieu où la Providence l'avait placé, il réalisa son idéal social et chrétien, ou du moins fit pour le réaliser l'effort le plus généreux et le plus fécond qui ait été tenté jusqu'ici.”

Pour mieux faire connaître ce que furent la vie, l'apostolat et le rôle unique de Léon Harmel comme père de famille, directeur d'usine et propagandiste de la doctrine sociale, nous vous présentons un extrait du livre d'Elisabeth Dupeyrat (Les vrais amis du peuple, E. Dupeyrat, éducation Intégrale), consacré à tous ceux qui se sont dépensés sans compter à bâtir sur terre l'Église de Jésus-Christ.


Ce fut un précurseur qui bien avant Rerum Novarum comprit d'une façon magnifique ses devoirs de patron et de chrétien.

Né le 17 février 1829, quatrième enfant d'une famille nombreuse des Ardennes, Léon Harmel apprit au foyer familial l'amour des siens et l'amour des humbles, l'amour de la justice et de la charité.

L’usine modèle du Val-des-Bois

Le voici donc, à vingt-cinq ans, patron de la filature dont son père lui confie la direction pour ménager une santé très ébranlée. L'usine du Val-des Bois va devenir dès lors le centre d'un foyer social qui, sous l'impulsion de Léon, opérera presque des miracles, miracles d'amour, d'union, de foi, miracles de fusion.

Précédant d'un demi-siècle le mouvement jociste, Léon Harmel chercha parmi les jeunes gens de son usine ceux qui seraient capables de devenir, au milieu des leurs, des entraîneurs vers le bien. Il en trouva trois qu'il forma avec soin, et qui fondèrent ensuite un cercle pour hommes et pour jeunes gens.

Fervent catholique avant tout, Léon Harmel cherchait à propager le règne du Christ-Ouvrier, dans l'amour. Il connaissait la puissance de la prière, la puissance de la souffrance offerte pour ses frères aussi, parmi les ouvriers de son usine, inspira-t-il aux malades, hommes, femmes, enfants, vieillards, d'offrir leurs souffrances pour la conversion de leurs camarades.

“Voulez-vous être mon associé ?” demandait-il au malade. Et comme ce dernier s'étonnait et ne comprenait pas, Harmel lui expliquait comment la souffrance peut être réparatrice, combien cette prière vécue dans la chair douloureuse peut avoir de puissance auprès de Dieu, et comment cet holocauste offert pour les camarades peut être autrement plus efficace que les plus beaux discours. Lui, Harmel, priait pour ces conversions, mais il réclamait la collaboration des malades, des souffrants, il voulait en faire ses associés. Le malade conquis acceptait en pleurant, heureux de sentir qu'il pouvait encore être utile, même cloué sur un lit.

Devenu veuf à quarante-et-un ans, avec huit enfants dont le dernier avait quatorze mois, Léon Harmel plia un instant sous l'épreuve, mais ce lui fut vite une occasion de faire fructifier cette épreuve même, pour la cause qui lui était chère, et plus que jamais il se donna à ses chers ouvriers.

En 1874,1'usine du Val-des-Bois fut entièrement anéantie par un incendie, et le premier, l'unique souci de Léon Harmel fut de songer à ce qu'allaient devenir ses ouvriers pendant ce chômage forcé de plusieurs mois, en attendant la reconstruction de l'usine.

On fit diligence, et dès l'usine reconstruite, le travail reprit avec une activité nouvelle, tandis que Léon Harmel continuait son oeuvre d'apostolat social.

Ce qu'il voulait avant tout, c'était développer l'initiative des ouvriers, constituer des associations catholiques sous la propre direction des ouvriers eux-mêmes, ce qui revient à sa première idée: faire faire l'éducation chrétienne du peuple par l'élite du peuple.

Élever le peuple

“En provoquant les dévouements, dit-il, on fait surgir les caractères; qui ne voit qu'un employé, et même un ouvrier, peut appartenir à la classe dirigeante, tandis qu'un homme riche peut méconnaître sa vocation, et rester de ce fait dans la classe inférieure ?”

Harmel pensait, avec juste raison, que si les catholiques ne faisaient rien pour favoriser l'initiative du peuple, les socialistes s'en chargeraient, et cela, au grand dommage de tous.

Ce fut la pensée constante de Léon Harmel: élever le peuple, l'aider à comprendre son rôle dans la société, ses devoirs d'homme et de chrétien, l'intéresser à son travail, lui en faire sentir la dignité, et l'autoriser même à discuter amicalement les conditions de ce travail, afin qu'il se sente vraiment non pas un esclave enchaîné à gagner sa vie, mais un homme libre et conscient de ses responsabilités.

L'admiration d'un pape

Léon XIII, même avant son encyclique, sut apprécier la valeur d'un pareil effort social, et il en rend témoignage:

“Nous exhortons tous les maîtres et tous les travailleurs de grandes usines, dans l'intérêt de la religion et de la patrie, aussi bien que pour leurs avantages, à fixer les yeux sur l'ordre, la paix et l'amour mutuel qui règnent dans les ateliers du Val-des-Bois, et à s'efforcer de suivre un si bel exemple.”

Dix ans avant que paraisse Rerum Novarum, Léon Harmel écrivait comme une préface à l'encyclique:

“Le service que rend l'ouvrier au patron est une chose réelle à laquelle correspond une valeur déterminée, due par le patron à l'ouvrier. Si cette valeur dépend dans la pratique du seul nombre des concurrents, le travailleur se trouve livré à l'avidité du patron. Il ne faut pas dire que l'ouvrier s'offre de lui-même, qu'il est libre d'accepter les dures conditions ou de les refuser, ce n'est pas vrai. Quand le salaire est descendu au-dessous du nécessaire, une partie des familles est dans le plus grand besoin dès lors, toute résistance leur est impossible.”

Un fou ou un saint ?

Même les adversaires de Léon Harmel ne pouvaient s'empêcher de manifester leur admiration devant des idées qui semblaient, surtout à cette époque, tellement subversives !

“Je désapprouve tout son programme, disait l'un d'eux. Tout de même, il m'a procuré la plus forte émotion religieuse que j'aie jamais ressentie. Il me semble être un fou... mais, n'est-ce pas un saint ?”

Harmel ne craignait pas d'employer à l'occasion un langage assez rude dans sa franchise, vis-à-vis de ses amis, quand il s'agissait de faire avancer la grande cause sociale.

A Albert de Mun, qui vient d'être élu député, et pour lequel il craint que l'influence de la Chambre soit nuisible à son apostolat populaire, il écrit:

“Mon cher ami... ce n'est pas de ma faute si vous êtes député. Dieu sait avec quelle ardeur je vous en aurais détourné, si j'avais eu un conseil à vous donner. Mais, enfin, vous y voilà par la grâce et pour le service de Dieu. Si vous avez l'énergie de devenir à la Chambre le champion de la question sociale, je reconnaîtrai que votre élection est providentielle. Jamais moment n'a été plus favorable. Si vous ne prenez pas le rôle immédiatement, un socialiste le prendra... Si vous ne pouvez être la voix des revendications de l'Église et de la France pour la protection des ouvriers, sortez de cette galère qui ne peut que vous faire perdre votre énergie et votre caractère.”

Éminente dignité de l'homme

Ce qu'Harmel visait principalement dans les relations de patrons à ouvriers, c'était une vraie compréhension mutuelle. Comment, en effet, un ouvrier peut-il s'intéresser à son travail si le patron le laisse ignorant de toute la marche de l'usine, s'il ne l'intègre pas pour ainsi dire dans tous les rouages, ne lui laisse pas l'initiative nécessaire au développement de sa personnalité. Toutes ses bontés, en dehors de cela, passeront à côté, ce sera la générosité du riche vis-à-vis du pauvre, ce ne sera plus la compréhension fraternelle, l'amour véritable. En ce sens, Harmel favorisait la création des associations ouvrières, les syndicats professionnels, tout groupement capable de susciter le libre arbitre des ouvriers sous le signe de la foi catholique qu'Harmel mettait à la base de tout.

Un exemple frappant à ce moment-là fut la révolte d'une usine dirigée par un ami de Léon Harmel, qui n'avait pas su comprendre le véritable but d'apostolat social du grand industriel et qui, croyant cependant marcher sur ses traces, avait inconsidérément comblé ses ouvriers de bienfaits, sans les intéresser à leur propre individualité.

Il est à retenir que jamais le moindre trouble, ni grève, ni ébauche d'insoumission ne se signala au Val-des-Bois. On remarqua même que, pendant un moment particulièrement agité, alors que plusieurs usines souffraient de troubles inquiétants, Harmel ayant besoin de s'absenter, ne craignit pas de le faire, faisant toute confiance à ses ouvriers, aussi sûr d'eux que de lui-même, parce qu'il avait su s'en faire des collaborateurs et des amis.

Associations ouvrières

Le conseil d'usine établi par Harmel permettait aux ouvriers de participer réellement au gouvernement de l'usine, dans le domaine de leur compétence, en même temps qu'il les autorisait à présenter eux-mêmes leurs réclamations justifiées, établissant ainsi des rapports confiants entre la direction et le travail.

Harmel trouvait que trop peu d'industriels traitaient leurs ouvriers en hommes.

Il reçut un jour la visite du cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore, désireux de connaître de près cette usine modèle dont la réputation avait franchi les frontières.

Léon Harmel entouré de toute sa nombreuse famille, enfants, petits-enfants frères et neveux, reçut l'éminent visiteur dans la plus grande-salle de l'usine et, tour à tour, défilèrent devant eux, ouvriers et ouvrières répartis dans leurs diverses associations: Syndicat, Mutualité, Service d'escompte, Achats en commun, Boulangerie coopérative, Caisse d'épargne, Bonnes lectures, Jeux, Chorale, Musique instrumentale, Gymnastique, Conférence de Saint-Vincent de-Paul, etc... Toutes ces associations s'étaient constituées avec le libre consentement des ouvriers et n'étaient nullement obligatoires. Harmel les avait simplement inspirés, mais avait respecté la liberté individuelle.

“Nos multiples conseils, explique-t-il à Mgr Gibbons, tendent au développement de la personnalité, par la mise en valeur des dévouements et des aptitudes diverses. Ils donnent à chacun une conscience plus nette de ses devoirs et de ses responsabilités, sur le triple terrain religieux, économique et professionnel. Ils préparent des hommes libres, capables de diriger eux-mêmes leurs propres affaires, et les affaires de la collectivité.”

Rôle du conseil d'usine

Harmel aimait mieux une marche plus lente dans la prospérité matérielle de l'usine, mais en union avec l'initiative ouvrière, qu'une marche plus rapide due à la seule direction des patrons.

Il se plaisait à redire sa devise chère: “Aimez-vous les uns les autres. Aidez vous les uns les autres.”

Harmel ne faisait jamais une réforme quelconque dans son usine, sans en soumettre l'idée au Conseil d'usine, idée qui était discutée par le Conseil, approuvée ou rejetée selon le cas, ce qui faisait des ouvriers de véritables collaborateurs.

“Le Conseil d'usine établit une réelle coopération des ouvriers à la direction professionnelle et disciplinaire de l'usine. Il a pour but de maintenir entre patron et ouvriers une entente affectueuse basée sur une confiance réciproque. Il est composé de simples ouvriers élus qui se réunissent avec un patron tous les quinze jours. Ils sont appelés à donner leur avis pour toute modification de salaire, pour les questions d'accidents, d'hygiène, d'apprentissage et de travail. Ils sont les interprètes de leurs camarades pour les réclamations qu'ils ont à faire aux patrons. Enfin ils étudient les réformes qui pourraient faciliter le travail et le rendre plus lucratif. Les ouvrières ont leur conseil spécial qui a les mêmes attributions. Le Conseil d'usine a fortifié la discipline parce qu'il a rendu les relations plus faciles et plus cordiales. En respectant la dignité des ouvriers et en développant chez eux l'esprit de responsabilité, nous avons provoqué une adhésion volontaire, mille fois préférable au résultat de la contrainte.”

Léon Harmel parlait de ses ouvriers avec la tendresse d'un père pour ses enfants:
“Ont-ils des défauts ? écrit-il à quelqu'un qui trouvait sans doute cette affection exagérée, oui, car moi j'en ai beaucoup... Si donc on veut bien ne pas se décourager avec moi, pourquoi se découragerait-on avec mes enfants !... Je ne puis penser à eux sans éprouver dans mon coeur une émotion d'amour.”

Aidez-vous les uns les autres

Quel exemple plus typique de cette passion qui le poussait à s'occuper des ouvriers par les ouvriers, que ce qu'il réalisa avec l'un d'eux: Harmel cherchait à ce moment-là des entraîneurs parmi eux, pour faire un congrès chrétien spécialement ouvrier. Il repéra un homme, président du comité socialiste, ardent, fougueux, sincère dans son erreur. Pour l'avoir, Harmel n'épargna rien, l'invitant à venir chez lui des journées entières pour causer, s'instruire, ne dédaignant même pas de lui faire place à sa table de famille, au milieu du cercle élargi de ses enfants et petits-enfants.

L'homme était intelligent et droit, il compara les deux doctrines: celle qu'il représentait, et celle que représentait Harmel. Sa conviction se fit tout naturellement, et l'entraîneur chrétien que cherchait Harmel, il le trouva en cet ancien socialiste qu'il délégua président du congrès ouvrier. Ce congrès qui avait suscité bien des défiances de la part de ceux qui ne comprenaient pas les idées d'Harmel, fut un succès !

L'ancien président du Comité socialiste, devenu président du Congrès ouvrier, voulut spécifier que c'était un congrès chrétien, “pour bien marquer, dit-il, que nous appartenons au Christ libérateur de l'humanité... Jadis, nous arborions avec audace le drapeau rouge, symbole de la haine et de la mort, pourquoi aurions-nous honte aujourd'hui de lever la croix qui nous prêche si éloquemment la concorde et l'amour ?”

Sa devise

Toute l'action de Léon Harmel est bien dans sa devise mise en tête de ces lignes: “Le bien de l'ouvrier par l'ouvrier et avec lui, autant que possible jamais sans lui, et à plus forte raison jamais malgré lui.”

Quand Harmel mourut à 86 ans, il aurait pu, s'il n'avait pas été si modeste, si humble, revoir d'un regard en arrière toute sa vie faite de dévouement' d'abnégation et d'amour; vie patriarcale au sein d'une nombreuse famille, entouré de tant de têtes chères; vie d'apôtre au sein de son usine, un apôtre qui était un “bon père”, le meilleur, le plus aimant, le plus compréhensif des amis.

S'il a cherché avant tout la justice, ce fut par amour, et cette passion de la justice, on la trouve résumée en quelques mots dans son testament: “Envers les ouvriers, il ne vous suffit pas d'être bons, il faut surtout vous efforcer d'être justes. Si l'on n'y prend garde, il est facile de violer l'équité à l'égard des inférieurs, parce qu'on est porté à croire licite tout ce qui est possible.”

Tiré de la revue Dieu est Amour, no 40 février 1982, La doctrine sociale de l'Église, Imp. Téqui

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Dernière mise à jour Montréal 13/02/2004 14:47:27
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