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Monsieur Claude Ryan, sur le Rapport Proulx
ENTRETIENS avec Georges Convert
Transcription d'une émission diffusée à Radio Ville-Marie en 1999



Le Rapport Proulx, qui traite de la place de la religion dans les écoles soulève de vives controverses dans les milieux éducatifs et religieux. Radio Ville-Marie a invité à ses micros Monsieur Claude Ryan, bien connu dans le monde culturel canadien non seulement pour ses positions politiques à propos du fédéralisme asymétrique, mais aussi pour ses convictions religieuses. Monsieur Ryan, qui a été plusieurs années ministre de l'Éducation, formule ses critiques au Rapport Proulx dans un entretien avec Georges Convert, responsable des programmes d'éducation religieuse.

Georges Convert: ENTRETIENS
Aujourd'hui, une entrevue avec Monsieur Claude Ryan, sur le Rapport Proulx...

Alors ici Georges Convert, Monsieur Ryan bonjour... bienvenue au micro de Radio Ville-Marie

Claude Ryan: Merci,(et) avec plaisir

Georges Convert: Monsieur Ryan les auditeurs vous connaissent bien sûr, mais si l'on vous interroge aujourd'hui sur le Rapport Proulx, qui concerne la question de la religion à l'école, c'est parce que vous avez une expérience dans ce domaine.

Alors, vous avez été autrefois ministre de l'éducation... peut-être nous situer un petit peu: quelles sont les choses que vous avez expérimentées à propos de la religion à l'école pendant le temps où vous avez été ministre, et c'est en quelle année ?

Claude Ryan: Si vous me le permettez, je voudrais d'abord rappeler que mes expériences en éducation remontent peut-être à un passé plus lointain encore.

Georges Convert: Oui.

Claude Ryan: Lorsqu'on a créé le ministère de l'éducation à Québec, j'étais à ce moment-là secrétaire général des mouvements d'action-catholique. Nous avons suivi de très près les débats qui ont entouré la création du ministère de l'éducation.

Georges Convert: Ça c'était dans les années ?

Claude Ryan: Dans les années 60. Dans les années 60 j'ai été mêlé de très près à beaucoup de changements qui sont intervenus en ce qui touche le rôle de l'Église dans le systême scolaire du Québec... pendant les années 60. J'ai continué de suivre les choses par la suite. J'ai été critique de l'opposition en matière d'éducation pendant quelques années entre 1982 et 1985 en particulier.

Georges Convert: J'imagine aussi que comme directeur du Devoir vous avez dû avoir des

Claude Ryan: J'ai beaucoup beaucoup écrit sur ces choses là, à mesure qu'on en discutait évidemment

Georges Convert: C'est ça

Claude Ryan: Ensuite en décembre 1985 je suis devenu ministre de l'éducation, je le suis demeuré jusqu'en... à l'automne de 1990, pendant 5 ans par conséquent

Georges Convert: 5 ans donc, il y a une expérience importante là

Claude Ryan: Oui. Nous avons pendant cette période refait la loi sur l'instruction publique; et nous avons été appelés à redéfinir la place de la dimension religieuse dans l'organisation générale du système scolaire. Et c'est à ce moment-là que nous avions décidé, d'accord avec le parti québecois qui formait l'opposition à l'époque, je ne sais pas si vous vous souvenez, avant que nous prenions le pouvoir en 1985, le ministre de l'éducation avait été Camille Laurin qui est mort récemment...

Georges Convert: Oui

Claude Ryan: Il avait préparé un projet de loi lui, sur le réaménagement du système scolaire qui donnait lieu à des objections sérieuses. Mais en ce qui touche la religion, Monsieur Laurin recommandait qu'on la maintienne, qu'on maintienne également des écoles confessionnelles, qu'on maintienne le droit à l'enseignement religieux. Il avait jugé avec ses conseillers, que pour assurer que cela puisse se faire, il était nécessaire de... d'inscrire dans la loi une clause indiquant que même la charte des droits ne devrait pas empêcher ce droit-là de s'exercer.

Et... nous étions d'accord avec lui à ce moment là. Et quand nous avons présenté le projet de loi, à notre tour, avec les changements que requéraient, là toutes sortes de facteurs qu'il serait trop long d'expliquer, le parti québecois, à mon étonnement a voté contre le recours à la clause nonobstant; après (que), en commission parlementaire, j'ai eu l'impression qu'ils étaient plutôt favorables.

Il est arrivé des discussions internes, dans le groupe parlementaire de ce parti-là. À ce moment-là, on voyait qu'il y avait des divisions profondes chez eux, dans ces matières. Tandis que chez nous, du côté ministériel, à l'époque en tout cas, tout le monde était d'accord qu'il fallait garantir ces droits-là, et que en les garantissant, le droit à l'enseignement religieux en particulier, qu'on ne lésait les droits de personne.

Georges Convert: Bien sûr... et alors votre travail à ce moment-là a été de préparer le passage des commissions confessionnelles aux commissions linguistiques.

Claude Ryan: Oui, oui, oui. Il y a une chose que nous avons faite là, que je voudrais rappeler, parce que je pense c'est à la source de tout le débat que nous avons aujourd'hui...

Quelle est la mission de l'école ?

Quand nous avons refait la loi sur l'instruction publique, nous avons inscrit dans la loi une disposition très simple, très simple; dans laquelle nous disions: "l'école est un établissement d'enseignement destiné à assurer la formation... de l'élève". C'était formulé en termes délibérément généraux.

Georges Convert: C'est çà

Claude Ryan: La formation de l'élève ça pouvait tout embrasser. Puis quand on commence à définir des fois on exclut aussi, alors on avait laissé çà: "inclusif comme on dit", le plus large possible. Et j'ai noté que...

Georges Convert: En plus large ....cela veut dire formation intellectuelle et formation humaine...

Claude Ryan: Formation humaine, formation du caractère, de... la personne, pas seulement le développement des facultés intellectuelles.

Georges Convert: Voilà, pas seulement une tête bien pleine, mais une tête bien faite...

Claude Ryan: C'est çà...

Georges Convert: (rires...)

Claude Ryan: Justement... et j'ai remarqué que par la suite, sous le gouvernement actuel on a modifié cet article de la loi sur l'instruction publique. Et désormais l'école a pour mission: dans le respect du principe de l'égalité des chances, d'instruire de socialiser et de qualifier les élèves tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire.

Georges Convert: Bon, ça c'est plus précis, mais justement peut-être plus limitatif.

Claude Ryan: On tombe dans le travers que je mentionnais tantôt: en voulant définir, on exclut.

Alors, si on vous demandait où est la dimension morale ?... où est la dimension spirituelle ? où est la dimension religieuse dans ceci ?... vous ne la trouvez pas.

Et c'est peut-être le geste séminal, le geste de base, qui a conduit ensuite aux autres initiatives, là dont nous allons discuter aujourd'hui.

Georges Convert: Voilà... et alors donc vous... la réforme que vous avez faite, il y a eu aussi: le choix entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral.

Claude Ryan: D'abord, nous avions opté pour des commissions scolaires basées sur la langue, plutôt que sur la religion. Cela nous apparaissait important, il y a avait des difficultés constitutionnelles...

Georges Convert: Pour la région de Montréal et pour celle de Québec...

Claude Ryan: Oui...

Georges Convert: Essentiellement...

Claude Ryan: Oui c'est ça, pour les autres régions vous avez parfaitement raison il n'y en avait pas.

Georges Convert: Oui...

Claude Ryan: Je n'ai jamais compris pourquoi le gouvernement n'a pas appliqué plus tôt cette loi là partout, en se disant qu'à Montréal et à Québec, s'il y avait lieu on pourrait retarder d'un an ou deux. Mais quoi qu'il en soit, on a décidé par la suite d'abolir complètement l'article 93 de la constitution canadienne, pour faciliter l'établissement des commissions scolaires linguistiques. Évidemment ça facilitait l'établissement des commissions scolaires linguistiques, (il n')y a pas de doute...

Georges Convert: L'article 93, l'article de la constitution fédérale...

Claude Ryan: Qui garantissait aux minorités catholiques et protestantes le droit à des écoles confessionnelles.

Georges Convert: Voilà...

Claude Ryan: Au Québec ici, l'article 93 avait une application spéciale parce que cet article-là, maintenait également les droits que détenaient les groupes confessionnels lors de l'établissement de la confédération canadienne en 1867.

Et parmi ces droits il y avait celui des protestants et des catholiques, d'avoir des écoles confessionnelles à Montréal et à Québec...

Georges Convert: Et à Québec..., c'est çà, voilà

Claude Ryan: C'est tout çà qui est en cause...

Georges Convert: Et cet article ne s'appliquait pas aux autres endroits de la province.

Claude Ryan: Maintenant, en même temps que l'on avait cet article-là: on avait implicitement les garanties que l'école pouvait avoir un caractère religieux et pouvait donner un enseignement religieux; assurer une certaine participation au développement spirituel et moral de l'enfant.

Mais en abolissant l'article, tout tombe là. Là on se retrouve sur un terrain entièrement vierge. Puis n'importe qu'elle théorie peut être mise de l'avant avec autant de vraisemblance qu'une autre.

Moi j'aurais souhaité quand on a modifié l'article 93, que l'on introduise une modification: en vertu de laquelle le droit à l'enseignement religieux dans les écoles publiques aurait été garanti par la constitution.

Georges Convert: Par la constitution Canadienne...

Claude Ryan: À ce moment-là, on aurait réglé bien des problèmes qui sont survenus par la suite ( ) ...

Georges Convert: Monsieur Ryan nous parlons du Rapport Proulx. Peut-être que... en quelques mots: donnez la synthèse de ce que propose ce rapport, ce rapport qui a été commandé par le gouvernement actuel.

Claude Ryan: Oui... Essentiellement le Rapport Proulx recommande que l'on établisse un système d'enseignement entièrement laïque, d'un bout à l'autre du Québec: entièrement laïque, c'est à dire qui n'aurait aucune référence à quelque religion que ce soit.

Et de là découlent une foule de conséquences: par exemple il n'y aurait plus d'enseignement religieux à l'école, il n'y aurait plus de caractère confessionnel...

Georges Convert: Confessionnel...

Claude Ryan: Des écoles: il n'y aurait plus d'exercice religieux à l'école... alors c'est çà qui est essentiellement le rapport.

Georges Convert: Et il propose à la place de cet enseignement religieux...

Claude Ryan: Qu'on aie un enseignement culturel sur les religions.

Georges Convert: Voilà, quelque chose de très large et en même temps très vague. Parce qu'un enseignement culturel sur les religions, ça pourrait s'inscrire, comme vous le disiez d'ailleurs dans votre intervention à McGill il y a quelques semaines, ça pourrait se situer dans d'autres matières: en histoire...

Claude Ryan: Oui ça, évidemment on pourra en parler longuement. Mais essentiellement: un enseignement culturel sur les religions (et) un enseignement de la religion sont deux choses entièrement différentes.

(On) peut donner un enseignement culturel sur les religions en étant athée par exemple...

Georges Convert: Bien sûr...

Claude Ryan: En ne croyant à rien de ce qui est enseigné par aucune religion.

Tandis que si vous enseignez la religion catholique, (il) faut que vous donniez l'essentiel de la religion catholique. Vous pouvez le faire de bonne foi en n'étant pas catholique, mais d'une manière très générale il faut que cette religion soit enseignée par des gens qui y croient. Autrement c'est une antinomie, c'est une contradiction dans les termes.

Georges Convert: Tout à fait...

Monsieur Ryan on va à une pause musicale. On revient aussitôt après, où on va essayer de voir: quels sont, selon les vous les rapports entre la religion et la société toute entière.

MUSIQUE

Georges Convert: Alors, Monsieur Ryan nous parlons donc du Rapport Proulx. Mais je voudrais que pour bien comprendre et analyser ce rapport vous me disiez un petit peu: quelle est la vision fondamentale qu'il y a à la base de toute la question, d'ailleurs de l'enseignement religieux; et qui est le rapport entre la religion et la société. Bon, on va le faire pour le Québec, mais vous pourriez peut-être évoquer comment ça se passe dans d'autres pays.

Claude Ryan: Oui. À la base du Rapport Proulx, évidemment il y a une conception des rapports entre la religion et la société politique. Suivant les orientations du Rapport Proulx: il doit y avoir une séparation entre la religion et la société politique.

Georges Convert: La religion deviendrait donc du domaine tout à fait privé.

Claude Ryan: À toutes fins utiles on est ramené à ça.

Georges Convert: Oui

Claude Ryan: Et, je crois que de manière générale, dans les sociétés occidentales on n'est plus en régime de chrétienté où: l'Église formait une société parfaite, l'État formait une société parfaite, puis les deux devaient trouver le moyen de cohabiter dans le respect des prérogatives de chacune.

Nous sommes sortis de ce régime. Aujourd'hui il y a une société politique, il n'y en a pas deux. Elle est dirigée par l'autorité politique que choisissent démocratiquement les citoyens. Et, à l'intérieur d'une société, disons comme la société canadienne ou la société américaine: les Églises sont des organisations privées qui ont parfois un statut semi-public; qui jouissent de certains privilèges en vertu de législations particulières. Et fondamentalement: ce sont des institutions privées à l'intérieur du corps social qui jouissent d'une grande liberté, grande latitude pour prendre des initiatives; mais qui doivent agir sous l'empire des lois générales, puis obéir finalement aux décisions qui sont prises par l'autorité politique dans son domaine. «a c'est la théorie...

En pratique: en pratique, il y a beaucoup d'interactions entre les deux. Vous allez le comprendre facilement: prenez au Québec, les groupes communautaires de toutes sortes qui sont à l'oeuvre; un très grand nombre agissent parce qu'ils ont une aide assez importante...

Georges Convert: de l'État

Claude Ryan: ... et des groupes religieux aussi: les communautées religieuses aident...

Georges Convert: tout à fait...

Claude Ryan: ... à beaucoup de groupes communautaires. Regardez des pères Jésuites qui sont engagés dans différents groupes: à gauche et à droite.

Sur une conception stricte de la séparation entre l'Église et l'État; l'État pourrait être justifié de dire à ces gens-là: "Mêlez-vous de vos affaires, occupez-vous de religion. Le social et l'économique laissez-nous ça. À nous, l'autorité politique".

L'Église, toute Église qui se respecte à mon point de vue, ne peut pas accepter une position comme celle-là. Parce que ce qui est en cause ce sont des être humains au bout de la ligne. Quand il y a des êtres humains qui souffrent, un être religieux ne peut pas être indifférent. Et si il voit qu'une situation collective est une source d'injustice: il doit demander qu'elle soit redressée.

Évidemment, il va déplaire au pouvoir politique en agissant ainsi. Parce que le pouvoir politique est toujours convaincu: qu'il a les choses sous contrôle, puis (qu')il est capable de régler les situations difficiles, etc.

Alors, il y a nécessairement interaction. Et la question c'est de trouver un équilibre qui permette le maximum de liberté aux familles religieuses; tout en respectant la règle, d'une certaine unité de base qui doit exister dans la société politique.

Georges Convert: Oui, oui...

Claude Ryan: Et le domaine de l'éducation, est un de ces domaines où il y a beaucoup d'interactions entre les deux: entre le religieux et le politique.

Georges Convert: Alors, comment est-ce que ça peut concrètement se réaliser à l'intérieur de l'école ?

Claude Ryan: Il y a deux conceptions là qui sont possibles. Je pense que tout le monde est d'accord pour considérer que dans le climat d'aujourd'hui, il ne peut pas y avoir d'identification de l'État avec une Église particulière.

Georges Convert: Tout à fait, oui...

Claude Ryan: Au Canada par exemple les Église protestantes sont très importantes. Les communautés juïves, famille spirituelle, qui sont très importantes aussi. Les catholiques sont la religion la plus nombreuse, tout compte fait. Alors, le gouvernement ne peut pas être identifié avec une religion en particulier. Mais, est-ce que ça veut dire que le gouvernement ne doit avoir aucun rapport avec la religion ?... Ça c'est une toute autre question.

Georges Convert: C'est à dire, ça ce serait la théorie d'une neutralité absolue...

Claude Ryan: Absolue, et puis à mon point de vue: impossible. À mon point de vue: intolérante, qui aboutit là: à nier la liberté religieuse.

Georges Convert: Est-ce que justement à cause de l'histoire au Québec, il y a encore une place particulière disons, sinon privilégiée, pour le catholiscisme ?

Claude Ryan: Si. Je crois que oui... je crois que oui. Même aux États-Unis qui sont une nation où le protestantisme a joué un rôle historique plus grand que l'Église Catholique; l'Église Catholique a des prérogatives considérables, elle a un grand nombre d'universités, beaucoup d'institutions de formation, des hopitaux en grand nombre. Vous avez des hopitaux catholiques en grand nombre dans les autres provinces canadiennes également...

Georges Convert: Et qui sont subventionnés par l'État...

Claude Ryan: Qui participent à des programmes de financement de l'État.

Ce n'est pas considéré comme étant un privilège particulier accordé à cette famille religieuse; parce qu'elle rend un service à la société qui est jugé digne d'être soutenu financièrement par l'État.

Il y a les Mormons qui peuvent faire la même chose. Il y a même, à Montréal ici on a un hôpital Masonique sur la montagne qui jouit également d'un soutien public; c'est normal aussi...

Georges Convert: Il y a encore d'ailleurs quelques petits hôpitaux qui sont dirigés par des congrégations religieuses à Montréal...

Claude Ryan: Oui, oui, oui...

La seule exigence ici à mon point de vue, sous l'angle de la justice, c'est que l'État ne donne pas un traitement privilégié à tel groupe ou à tel autre.

Par exemple: s'il est en face de deux projets d'égale valeur, qu'il ne favorise pas un projet protestant ou un projet catholique au détriment des autres, seulement parce qu'il serait parrainé par des protestants ou des catholiques.

Mais ces règles d'équité fondamentale étant respectées, je pense que l'État doit avoir une attitude la plus bienveillante possible à l'endroit des religions. Il doit même désirer diverses formes de collaboration pour le bien général. Parce que les familles religieuses sont des facteurs d'ordre, puis d'harmonie sociale très importants aussi: que le législateur sérieux ne peut pas ignorer, ou feindre d'ignorer.

Georges Convert: Tout à fait...

Claude Ryan: Alors, dans le domaine de l'éducation, puisque vous posiez la question: étant donné qu'il s'agit de la formation de l'être humain et que cette contribution-là de l'institution scolaire commence à partir de l'âge, aujourd'hui c'est l'âge de 4 ou 5 ans...

Georges Convert: Oui...

Claude Ryan: l'enfant en est à ses touts débuts. Il est encore beaucoup plus tributaire de la famille qu'il ne peut l'être de la société.

On se dit bien: ça ne peut pas se faire par une séparation complète.

L'école doit être considérée: comme une institution de la communauté qui relève de l'État dans une mesure très importante. Mais en même temps c'est une institution qui vient compléter la famille; où la famille a un mot à dire si l'on vit dans une société le moindrement imbue d'esprit démocratique. Institution qui regarde, au premier chef, la communauté locale également. Puis: que la communauté locale veuille imprimer certaines de ses préférences, certaines de ses caractéristiques à l'institution scolaire qui est située sur son territoire; pourvu qu'elle respecte les grandes lignes de la législation, les grandes exigences des programmes; à mon point de vue il n'y a aucune espèce de contradiction avec l'esprit démocratique. D'ailleurs au contraire c'est la démocratie vécue plus pleinement.

Georges Convert: Et ça vous parlez pour des écoles qui sont des écoles publiques.

Claude Ryan: Oui...

Georges Convert: ... non pas des institutions privées.

Claude Ryan: Oui. On pourrait parler d'institutions privées. C'est une autre chose.

Quand on a créé le ministère de l'éducation en 1962-63, on a eu plusieurs lois à l'époque. Mais la loi du conseil supérieur de l'éducation a été coiffée d'un préambule. Je ne sais pas si vous êtes au courant de çà... Dans ce préambule-là est dit clairement: là, qu'on reconnait le droit des citoyens à fonder des établissements privés d'enseignement.

Parce qu'on voyait dès cette époque, moi j'ai été mêlé aux discussions à cette époque-là, que si nous allions vers une laïcité intransigeante, je dirais même intolérante: là, du genre que propose le Rapport Proulx... À ce moment-là, il faudrait qu'il y ait une soupape de sécurité quelque part: vu que les parents ont la première responsabilité pour l'éducation de leurs enfants. (Il) faudrait que, à tout le moins ils aient la latitude de pouvoir envoyer leurs enfants à des établissements privés, qu'ils créeraient eux-mêmes, qu'ils soutiendraient de leurs deniers et pour lesquels ils devraient pouvoir compter également sur l'aide équitable...

Georges Convert: de l'État...

Claude Ryan: des fonds publics.

Georges Convert: voilà...

Claude Ryan: Alors, çà ça a été inscrit dans la législation scolaire à l'époque et ça faisait partie de l'espèce de pacte qui est intervenu entre les principaux acteurs; de la manière qu'on ait un ministère de l'éducation, mais en même temps un ministère de l'éducation qui ne serait pas en rupture radicale avec ce qui avait été la tradition scolaire au Québec.

Georges Convert: Aujourd'hui, dans le contexte actuel, quel est le rôle de l'État par rapport à ces institutions privées ?

Claude Ryan: Je vous conterai une expérience.

Là, quand je suis arrivé au ministère de l'éducation, le gouvernement précédent avait institué un moratoire sur le développement de nouveaux établissements privés. Il n'avait accordé aucun permis de financement. Il a dit: on accorde différents statuts à des établissements privés. Celui qui est le plus important, et c'est ce qu'on appelait dans le temps: déclaration d'intérêt public... en vertu de laquelle un établissement peut compter sur des subventions, qui vont lui assurer à peu près 60 à 70% des coûts de financement.

On n'avait pas donné de permis de cette nature-là depuis plusieurs années. Puis, évidemment si on acceptait cette logique, cela voulait dire que éventuellement on allait vers l'extinction des établissements privés. Parce qu'il en mourait un, il n'était pas remplacé; il en mourait un autre... Vous savez on allait vers une extinction graduelle. Je me suis dit: cela n'a pas d'allure. Puis on a recommencé à donner des permis.

Moi, j'avais prévenu les gens de l'enseignement privé qu'il faudrait toujours qu'ils soient vus en complément de l'enseignement public et non pas en rivalité ou en opposition. Je leur avais dit: pour çà, il y a un certain seuil que nous ne dépasserons pas facilement. Évidemment j'avais fixé dans mon esprit moi: quelque part entre 15 à 25% de la clientèle totale au niveau secondaire. Tandis qu'au niveau primaire, bien c'était beaucoup plus bas que cela.

Alors cela n'a jamais été proclamé par voie législative, mais je l'ai dit à combien de reprises aux représentants de l'enseignement privé: "c'est la meilleure façon de garantir votre avenir... que de définir votre place d'une manière qui comporte certaines limites également".

Mais on a donné un financement qui était convenable, on a accordé des permis nouveaux dans les cas où des projets très intéressants nous étaient soumis.

Georges Convert: Mais alors est-ce que ces institutions ont des financements de l'État ?

Claude Ryan: Oui. D'une proportion qui peut varier de 50 à 60% selon la nature des permis qui sont accordés et des politiques des gouvernements. Cela varie d'année en année et généralement on peut dire que c'est au-delà de 50% des coûts et cela a déjà été jusqu'à 80%. C'est moins élevé maintenent parce que les établissements privés évidemment, ont été frappés comme tous les autres secteurs de l'administration par les coupures budgétaires des 15 dernières années.

Alors, moi je trouve que les établissements privés, ils ne sont pas tous confessionnels ( ) les parents peuvent avoir d'autres motifs que des motifs purement religieux pour désirer envoyer leurs enfants à un établissement privé.

(Il) faut bien comprendre aussi, quand vous êtes dans une famille: le père de famille, puis vous avez un enfant; là, ça ne marche pas à l'école publique, qu'est-ce que vous allez faire avec? Bien beau, leur donner toutes les théories qu'on voudra dans les journaux. Mais là, vous êtes désespérément à la recherche d'un lieu où cet enfant-là pourra compléter sa préparation en vue de se qualifier là pour la vie. On est très heureux dans ces périodes-là de trouver des établissements privés qui peuvent répondre aux attentes particulières d'un enfant et de ses parents. Et c'est pour ça que c'est une fonction, une espèce de soupape de sûreté que nous avons dans notre système, qui à mon point de vue est très désirable.

Georges Convert: Alors, on va encore à une pause et après Monsieur Ryan on va regarder quelle est la situation tout à fait concrète aujourd'hui de la question religieuse au niveau scolaire.

MUSIQUE

Georges Convert: Alors, Monsieur Ryan on va aborder dans quelques minutes votre position par rapport à ce Rapport Proulx.

Mais, je voudrais peut-être que vous me disiez: comment vous voyez la situation très concrète à l'heure actuelle dans les écoles. Est-ce qu'il y en a beaucoup qui ont gardé le statut confessionnel? Puisque à partir de la réforme il y a quelques années: il appartienent je pense aux écoles, au comité d'école de dire s'il veut rester confessionnel ou pas.

Claude Ryan: J'aurais aimé que le Rapport Proulx présente un portrait beaucoup plus complet de la situation d'aujourd'hui. Je pense que c'était une des missions de ce groupe de travail: de prendre un inventaire de la situation. Malheureusement, nous n'avons pas ces renseignements-là dans le Rapport Proulx. Nous avons des aperçus, partiels, mais qui ne permettent pas d'en arriver à un jugement solide.

Par exemple, où en sommes-nous? On devait procéder dans les 5 ans qui ont suivi l'adoption de la loi 107 à une révision du statut confessionnel, du "vécu" comme on l'appelait, confessionnel de chaque école. Où en est-on dans ce processus de révision?

Je crois comprendre que le gouvernement, d'une manière précipitée à mon point de vue, a interrompu tout ce processus de révision en se disant apparemment que le Rapport Proulx arriverait avec des conclusions radicales qui rendraient peut-être tout ça plus ou moins malvenu. Mais je trouve cela regrettable qu'on joue avec les structures comme ça.

On avait un processus sérieux qui donnait le temps voulu pour arriver à des conclusions. Puis, il serait probablement arrivé qu'un bon nombre d'écoles auraient émis le désir d'être libérées du statut confessionnel. Mais, loi prévoyait que si telle était la volonté d'une majorité des parents, ça pouvait se faire par une requête de la commission scolaire au comité confessionnel concerné. Il y avait de l'âme là-dedans; puis ce n'était pas un écrasement, puis un événement général.

Georges Convert: Ce qui ne voulait pas dire d'ailleurs: même si l'école n'était plus, n'avait plus le caractère confessionnel; qu'on supprimait l'enseignement religieux...

Claude Ryan: Ah, c'est une toute autre chose. C'est une toute autre chose cela, vous avez raison...

Georges Convert: Vous vous rappelez parce que: quelquefois on mélange les choses...

Claude Ryan: Autre chose dont je me souviens; et puis je pense que dans le Rapport Proulx j'ai trouvé un passage qui nous dit que cela a continué ça: quand j'étais ministre moi, on a construit beaucoup de nouvelles écoles et à chaque fois qu'on construisait une nouvelle école, là, la commission scolaire devait procéder à une consultation des parents afin de savoir si cette école-là serait confessionnelle ou non. Si les enfants, si les parents voulaient avoir: l'enseignement religieux catholique ou protestant, ou l'enseignement moral non-confessionnel.

Georges Convert: Mais, ça c'est individuel ce droit là...

Claude Ryan: Oui, oui, c'est çà. La consultation donnait toujours un résultat 85, 90, 92% de parents dans les milieux francophones: qui désiraient garder une école confessionnelle, puis un enseignement religieux catholique. Et, apparemment cela a continué ça; Monsieur Proulx fait allusion à ça. Il y a eu moins de construction d'écoles ces dernières années pour des raisons démographiques évidentes, mais cela a continué.

Alors quelle aurait été la conclusion des parents: là, après avoir procédé à une révision du vécu confessionnel, dans telle ou telle école? Nous ne le savons pas. Puis c'est ça qu'il aurait fallu assurer plus clairement.

Et moi, si on m'avait établi que: là, sur 800 écoles primaires au Québec il y en a 600 où les parents ont demandé, après avoir fait une révision de leur expérience, changer de statut. Je suis obligé de m'(ex?) en bon démocrate. Je vais dire: "bien, il y a quand-même des indication très fortes". Là encore, la manière dont ça a été vécu pose: tel, tel, tel problème particulier, auquel il faudrait remédier. Moi je suis prêt à regarder toutes ces choses-là: là, en bon démocrate, encore une fois c'est mon devoir de le faire. Mais, je n'ai pas ces renseignements-là dans le Rapport Proulx.

On me sert une doctrine superficielle, à mon point de vue trop globalisante; qui ne répond pas à la réalité du Québec, ni à la réalité nord-américaine en général.

Georges Convert: Oui. Parce que votre désir de statistiques, ce n'est pas un pur désir de chiffres. Mais, c'est au contraire à partir de la situation réelle et concrète qu'il va falloir légiférer.

Claude Ryan: ( ) On va parler du statut des écoles secondaires par exemple.

Moi je dis: je pense que ce serait une bonne chose qu'on laisse tomber le statut confessionnel des écoles secondaires. Et je m'appuie sur des expériences qui remontent quand même quelques années en arrière.

Moi-même j'ai élevé 5 enfants. Un moment donné il y en a un des enfants qui est venu me voir. ( ) À partir du deuxième stade de l'enseignement secondaire, l'enfant est libre de donner sa préférence, puis il y a un de mes enfants qui m'a dit: "moi je voudrais plutôt aller à l'enseignement moral". Je lui ai dit: "c'est ta décision".

Là, je constate qu'au niveau secondaire, les proportions des élèves qui vont à l'enseignement moral non-confessionnel est beaucouip plus élevé qu'au primaire. Alors c'est une raison qui nous incite à considérer un assouplissement plus grand. Puis, peut-être la levée d'un statut qui ne répond plus à un voeu très largement répandu.

Mais: à partir de l'observation de la réalité, de l'écoute, l'opinion et puis la réaction des gens; on gouverne beaucoup plus sagement, qu'en partant, ( ) en s'inspirant de principes abstraits.

Georges Convert: Donc vous, vous auriez souhaité dans le fond une vaste enquête auprès des parents, des enseignants...

Claude Ryan: Pas une enquête d'opinion, là comme celle que Monsieur Proulx nous présente, qu'on a bien des difficultés à comprendre ce que cela veut dire. Et, moi d'ailleurs, j'ai toujours été sceptique vis à vis des sondages. J'ai été 15 ans dans la vie publique et je n'ai jamais commandé un sondage. J'ai réussi à m'en tirer très bien. «a m'a fait courir au delà de quelques échecs et je ne le regrette pas d'ailleurs. Mais jamais, jamais je ne me suis soumis à ces contraintes là, même dans les lois les plus difficiles que j'ai eues à préconiser.

Georges Convert: Et pourquoi ?...

Claude Ryan: Parce que je me disais: "si fais mon devoir comme il faut, que j'ai consulté largement, que j'ai lu tout ce qui s'est écrit sur le sujet; je vais être beaucoup mieux renseigné que par un sondage de Crop ou de la maison ( ) je ne sais pas quoi".

Et quand Monsieur Proulx nous amène un sondage comme argument suprème, pour nous rendre compte de la réalité d'aujourd'hui, cela me fait sourire et puis cela me fait de la peine même. Parce que je pense qu'il était capable de mieux que ça.

Georges Convert: Parce que dans le fond un sondage, d'abord est très volatile, j'allais dire....

Claude Ryan: Plus vous avez des questions complexes, moins les réponses sont fiables.

Georges Convert: Oui, et puis tout dépend aussi de la manière dont les questions sont posées enfin. Et puis l'opinion change tellement rapidement.

Claude Ryan: Et puis les opinions de syndicats là-dessus: que ce soit le syndicat des directeurs d'établissements d'enseignements, ou la CEQ, m'importent assez peu parce que ces organismes-là défendent des intérêts corporatifs. Ils ne sont pas au service du bien général, moi je l'ai constaté.

J'ai été ministre de l'éducation 5 ans. Puis, la contribution de la CEQ au point de vue de la qualité de l'éducation pendant les 5 années que j'ai été ministre a été pratiquement nulle. Ils venaient défendre les intérêts: "si on pouvait avoir une demi-journée de congé de plus ici, un petit avantage là, etc." Ça on pouvait passer des heures à discuter de çà. Mais quand il s'agissait d'améliorer l'apprentissage du français langue maternelle, l'apprentissage de l'anglais langue seconde, ou améliorer l'enseignement des sciences au secondaire: la contribution de la CEQ, je m'excuse de le dire, était pratiquement nulle.

Georges Convert: Alors Monsieur Ryan venons-en au ( ) du Rapport Proulx, qui propose donc: de remplacer l'enseignement religieux actuel, qui est soit catholique soit protestant; par un enseignement culturel des religions. Quelle est votre position par rapport à çà ?...

Claude Ryan: Je suis fortement opposé.

Si nous avions le temps et les ressources dans l'école, qu'on veut avoir un enseignement culturel sur les religions, je n'ai aucune objection à çà. Parce que la religion est en soi un objet de connaissance scientifique. On peut faire toutes sortes d'observations sur le fait religieux, même à partir d'une perspective athée, parce que c'est un phénomène de comportement humain qui est digne d'examen.

Et puis, dans la mesure où l'on aura le temps et les ressources, je n'ai pas d'objection à avoir des choses comme çà là. Mais il y a des questions qui se posent. Cela ne peut pas être considéré comme un remplacement de l'enseignement de la religion, de l'enseignement religieux.

L'enseignement de la religion c'est l'enseignement des croyances d'une famille spirituelle particulière, qui agit pour établir une relation entre l'humanité et puis Dieu. On ne peut pas remplacer cela par un enseignement purement culturel.

C'est une proposition à mon point de vue inacceptable... inacceptable.

Georges Convert: Est-ce que cette proposition pourrait éventuellement venir au secondaire, mais pas au primaire ?

Claude Ryan: On l'a déjà essayé au secondaire. On a fait une expérience il y a plusieurs années qui n'a pas réussi; mais au deuxième stade du secondaire, pas au premier cycle, au deuxième cycle du secondaire.

Que des expériences soient faites dans cette veine-là, je pense que ce pourrait être une bonne chose. Moi, je ne verrais pas aucune sorte d'objection pour la ( ).

Et avant de parler: "d'enseignement culturel sur les religions"; ils me font rire moi avec tous ces termes prétentieux; si on offrait un bon cours d'histoire des religions au deuxième cycle du secondaire ce serait bien plus formateur, bien plus objectif que les soi-disant études de phénomènes culturels, dont moi, là j'ai été innondé trop souvent. Puis cela ne donne généralement pas grand chose. Il y a trop de sociologisme là-dedans, peut-être pas assez de rigueur scientifique.

Mais si vous vouliez enseigner l'histoire des religions, j'incline là: mais pas à la place de l'enseignement des religions.

Georges Convert: C'est çà, en deuxième partie du secondaire.

Alors on va encore à une pause et ensuite on va parler. Le ministre actuel de l'éducation a lancé ces derniers jours: là, une proposition. On va voir comment est-ce que vous vous situez par rapport à cette proposition.

MUSIQUE

Georges Convert: Alors Monsieur Ryan vous venez de donner votre position par rapport à ce Rapport Proulx. Vous n'êtes pas très favorable, même pas favorable on pourrait dire.

Le gouvernement par la voix de son ministre actuel de l'éducation a lancé il y a quelques jours l'idée de proposer dans les écoles, les divers enseignements religieux: soit catholique, soit protestant, musulman, juïf, bouddhiste; qui se feraient si j'ai bien compris aux mêmes heures dans des locaux, bien sûr différents et qui seraient assumés par les différentes religions. Qu'est-ce que vous pensez de ça ?...

Claude Ryan: D'abord je voudrais vous donner mon opinion de fond sur le Rapport Proulx.

Là, il y a deux points que je veux établir très clairement.

Je pense que c'est important de maintenir le droit des parents à l'enseignement religieux pour leurs enfants dans les écoles publiques. Ce droit est présentement garanti dans la Charte Québecoise des droits de la personne dans l'article 41. Le Rapport Proulx propose de remplacer l'article 41 par un article qui ne voudrait plus rien dire. Et je trouve qu'il faut maintenir l'article 41, et même le renforcer en lui donnant la protection de l'article 52 de la charte.

En vertu de l'article 52, certains articles de la charte peuvent être considérés comme antérieurs à toute autre législation susceptibles d'être passées par le parlement. L'article 41 n'est pas protégé par ....

Georges Convert: Alors cet article 41 garantit aux parents d'avoir l'enseignement religieux...

Claude Ryan: Conforme à leurs convictions... dans l'école publique

Georges Convert: Dans l'école privée c'est évident...

Claude Ryan: Le Rapport voudrait qu'on écrive plutôt: "les parents ont le droit de procurer à leurs enfants un enseignement religieux conforme à leurs convictions." ( ) Si vous ne l'avez pas dans l'école publique arrangez-vous, donnez-vous des écoles privées.

Puis, là le Rapport Proulx, quand il parle des écoles privées: il omet sciemment, délibérément, d'émettre quelque opinion sur le financement de ces établissements-là.

Georges Convert: Ce qui est fondamental: autrement c'est un droit qui n'est pas respecté.

Claude Ryan: C'est un droit qui ne veut plus rien dire à toutes fins utiles.

Alors, c'est à cela que veut nous amener le Rapport Proulx.

Et je trouve que: cette partie doit être combattue vigoureusement; et que nous devons viser à obtenir le renforcement et non pas seulement le maintien, de l'article 41.

Georges Convert: 41 renforcé par l'article 52

Claude Ryan: C'est çà.

Deuxième point:

En ce qui concerne les structures, moi je suis prêt à considérer des assouplissements, des modifications qui pourraient répondre à une réalité nouvelle d'aujourd'hui; à condition qu'on me l'établisse clairement.

Je ne veux pas dire en partant: "...ah tu veux cela, je te le donne ...tu veux cela, je te le donne..." ce n'est pas une manière de gouverner çà.

C'est pour cela que je vous disais tantôt au sujet des écoles secondaires: je pense que nous avons des indications importantes qui nous invitent à nous examiner, à nous interroger là-dessus. On peut le faire.

En ce qui touche les écoles primaires: si on établissait que le statut confessionnel de l'école cause des problèmes pratiques très répandus, même des problèmes insurmontables, je suis prêt à examiner la situation.

Georges Convert: ...questions de financement ?

Claude Ryan: Questions de financement, questions d'aménagement de locaux, de ressources, affectations de personnel surtout, qui est le gros point là-dedans.

Si on me faisait une preuve sérieuse que le système actuel entraîne tellement de complications que mieux vaudrait un autre ( ) là... je suis prêt à l'examiner. Mais je ne voudrais pas laisser aller tout ceci aux orties simplement pour faire plaisir à Monsieur Proulx, à monsieur... la présidente de la CEQ ou à un autre. Çà, ça ne m'intéresse pas ce genre d'exercice là.

Georges Convert: Et, dans cette proposition du ministre, rien n'est dit je crois du financement de... des intervenants qu'ils soient Bouddhistes, Musulmans.

Claude Ryan: Mais çà, la proposition du ministre; venons-en à celle-là maintenant. Il faut se mettre les pieds à terre. Le ministre lui je le comprends: il patine actuellement.

Il est obligé de patiner parce qu'il a des divisions dans son parti. Au dernier conseil général du Parti Québecois, il y avait une proposition demandant que: une orientation correspondant à peu près au Rapport Proulx soit adoptée. Je pense qu'elle a été adoptée par le conseil. Alors, le ministre n'est pas obligé de réaliser les orientations de son parti, mais il est quand-même lié moralement. Alors actuellement il patine, il cherche des appuis, il cherche des points. Puis on voit que: il n'a pas approfondi ces questions-là beaucoup, jusqu'à maintenant.

Mais de venir nous dire: "vous allez choisir, on va vous offrir une cafétéria à travers le Québec: Bouddhistes, Hindouistes, Shintoïstes, puis ceci, puis ça". Cela ne tient pas debout, ce n'est pas pratique du tout, du tout.

Au Québec ce que nous avons, c'est surtout des Catholiques, des Protestants et des Juïfs. Cela représente 98 à 99% de la population. Répondez au besoin de ces gens-là. Puis si des besoins particuliers surgissent en plus, vous y ferez face pragmatiquement.

Puis qu'on ne vienne pas me proposer un cadre: là, avec 18 cases, alors que 99% de la population répond à 3 de ces cases-là.

Il y a quand-même... il faut être pratique, on crée des structures pour répondre à des besoins des gens, pas pour répondre à des idéologies, encore une fois.

C'est une espèce de fuite à neuf ans çà. Ce n'est pas une manière franche de faire face aux problèmes qui se posent.

Georges Convert: Est-ce qu'il n'y a pas une grosse difficulté: qui est la région de Montréal versus la province; deux situations quand-même très différentes ?

Claude Ryan: Oui, oui.

Maintenant à Montréal ce qu'il faudrait vérifier, là étant donné qu'il y a une très forte population qui est concentrée sur un territoire assez faible: est-ce qu'il y a impossibilité physique d'avoir, disons dans un quartier une école catholique primaire, une autre école qui serait non-confessionnelle ?

Est-ce que c'est nécessaire dans ces conditions-là d'avoir seulement deux écoles non-confessionnelles ou tout le monde doit être passé au tordeur.

Il faut se poser ces questions-là... avez-vous des démonstrations là-dessus ?... vous n'en n'avez pas et puis moi non plus actuellement.

Faudrait que l'on aille à l'écoute de la réalité. Que l'on voie clairement: là, comment le problème se pose à Montréal et à Québec.

Encore une fois si on établissait qu'à Montréal 75% des parents ne veulent plus d'école confessionnelle et puis seraient contents d'avoir une bonne école non-confessionnelle; et puis je pense que ce serait suffisamment indicatif pour qu'on adopte les modifications qui s'imposent.

Mais on n'a pas ces démonstrations-là et puis ce sont toutes des suppositions actuellement; et puis des insinuations. Vous savez bien on va dire: "bien ils aiment pas l'enseignement religieux"... donc on va le supprimer.

Est-ce qu'il y en a beaucoup qui aiment l'enseignement de la langue française ?...

Georges Convert: (rires)

Claude Ryan: Est-ce que l'on va le supprimer ? «a ne tient pas debout, ce sont des raisonnements enfantins.

Georges Convert: Alors, on va peut-être à une pause parce que je veux revenir après sur des choses qui sont quand-même très importantes pour le caractère confessionnel de l'école, comme: le projet éducatif, la place des éducateurs de pastorale.

C'est des réalités que le Rapport Proulx aborde un petit peu, au moins pour les animateurs de pastorale. Alors on va voir ça après cette pause.

MUSIQUE

Georges Convert: Monsieur Ryan, on revient à la question: regarder la pratique actuelle des écoles, (et) peut-être dire un mot du projet éducatif, parce qu'il est très important dans ce qu'on appelle le caractère confessionnel d'une école.

Claude Ryan: Il est très important, et puis à la fois il peut être appliqué d'une manière très relative.

Actuellement le conseil directeur de l'école est habilité par la loi à adopter un projet éducatif dans lequel sont définies les priorités que l'on va respecter pendant l'année qui suit.

Dans des écoles confessionnelles que nous avons actuellement: là, qui sont la très grande majorité des écoles, suivant des indications qui ont été fournies par le comité catholique et le comité protestant, il y a très peu de projets éducatifs qui font appel à des valeurs expressément, explicitement confessionnelles. Ce sont plutôt des orientations qui visent à cultiver chez des élèves des habitudes de comportement inspirées des valeurs chrétiennes.

Georges Convert: ... morales

Claude Ryan: Les valeurs morales de l'évangile par exemple.

Mais si vous enseignez par le projet éducatif: à un jeune à sacrifier son intérêt pour celui de la communauté, à servir l'autre plutôt que de l'exploiter, je ne pense pas que vous lui rendiez un mauvais service, je ne pense pas que vous violiez les droits de qui que ce soit.

Alors, dans l'ensemble, il faudrait avoir encore une fois: là, un examen critique des projets éducatifs qui ont été approuvés dans nos écoles pour savoir si ils sont vraiment influencés par le caractère confessionnel de l'école, si ils sont compatibles avec les convictions, les valeurs des parents des élèves inscrits dans ces écoles.

On n'a pas de données claires là-dessus actuellement.

Georges Convert: Et ce projet éducatif, il se réalise essentiellement peut-être par le biais de la pastorale dans l'école, les animateurs de pastorale.

Claude Ryan: Non.

Non, le projet éducatif c'est plus large: c'est toute la communauté scolaire; les enseignants en ce qui touche l'enseignement moral; tout ce qu'il va y avoir dans le projet éducatif.

On va dire: "bien, il y aura un cours d'enseignement moral non-confessionnel, il y aura le cours d'enseignement religieux confessionnel catholique ou protestant". Et puis là, c'est la responsabilité de la direction de l'école de voir à ce que ces cours-là soient offerts: suivant le plan qui a été arrêté pour l'école.

Georges Convert: Mais la place de l'animateur de pastorale dans ce projet éducatif?

Claude Ryan: L'animateur de pastorale, lui c'est une autre chose. Son rôle est prévu dans la loi. Il est prévu que dans chaque école il y a une personne dont la fonction...

Georges Convert: au primaire et au secondaire...

Claude Ryan: ( ) comme animateur de pastorale

Georges Convert: ce qui n'est pas prévu au CEGEP.

Claude Ryan: D'accord, d'accord. Que nous avons dans les hôpitaux, je ne suis pas sûr que ce soit prévu dans la loi en ce qui touche les hôpitaux. Mais nous avons des aumôniers dans les hôpitaux qui sont subventionnés par les fonds publics.

L'animateur de pastorale, le Rapport Proulx est équivoque là-dessus et paradoxal. D'un côté il voudrait que ce soit un système entièrement laïc; de l'autre côté il dit qu'il faudrait garder les animateurs de pastorale, mais ils ne seraient plus confessionnels.

Mais voyez-vous un prêtre qui est dans une école secondaire vous-là, disons à Sainte Agathe: je connais très bien le prêtre qui est aumônier des écoles secondaires à Sainte Agathe. Est-ce qu'il va pouvoir se comporter d'une manière neutre, lui?

Mettez-vous en face d'un problème moral très sérieux auquel il va être affronté. Il va être obligé d'agir en conformité avec ses convictions. Si on ne veut pas qu'il fasse cela, ça va devenir un espèce de conseiller psychologique, ça ne sera plus un animateur de pastorale. À ce moment-là il faudrait le dire franchement. Mais s'il doit être animateur de pastorale, il est bien difficile de voir son rôle en séparation complète d'avec l'enseignement religieux, et d'avec la communauté religieuse qui entoure l'école finalement. Alors cela, ça demanderait à être clarifié.

Mais quand même le Rapport Proulx a une attitude positive là-dessus. On dirait qu'il s'est rendu compte vers la fin: là, qu'après avoir échaffaudé toute cette belle théorie, nous sommes en face de jeunes adolescents qui ont des problèmes spirituels et moraux extrèmement graves, extrèmement aigus, et puis auxquels ils ne peuvent pas faire face uniquement par eux-mêmes.

Et puis si le rôle de l'école doit être un rôle de pur enseignement, de pure qualification pour la vie comme on dit, alors qui va les accompagner dans cette démarche là ? Ils ne vont plus à l'Église, leurs parents souvent ont perdu contact avec eux, est-ce qu'on va laisser le destin de ces jeunes se jouer uniquement par l'influence de la "gang" dont ils font partie ?

Je comprends très bien le Rapport Proulx de s'être rendu compte sur le tard, qu'il faut une présence d'accompagnement à l'école. Mais est-ce que le genre de présence qu'ils suggèrent serait suffisant, c'est ce qu'il faut se demander.

Et d'ailleurs le rôle de l'animateur de pastorale comme il est indiqué là, ce serait à chaque conseil d'école de décider s'il va en avoir un ou non.

Il peut très bien arriver, vous savez comment c'est: ils recoivent les coupures, toute la liste de coupures qu'exige la commission scolaire, laquelle reçoit une même liste du ministère de l'éducation. Là il faut choisir entre un atelier de ceci, un atelier de ça, un cours de ceci, puis la présence d'un animateur de pastorale... eh bien il va arriver deux personnes dans le comité d'école là, aujourd'hui d'ailleurs le comité d'école est contrôlé par... il y a une moitié d'enseignants qui sont là-dessus.

Eh bien, la CEQ va émettre sa directive; ou l'alliance des professeurs de Montréal, là et alors on va laisser tomber l'animateur de pastorale. Qu'est-ce qui va arriver ?...

C'est ça que le Rapport Proulx propose: toutes des affaires qui n'ont pas de solidité véritable.

Georges Convert: Parce que çà, ça semble extrèmement important de préciser le contexte dans lequel...

Claude Ryan: ( ) Québec joue son avenir, avec sa jeunesse actuellement. La jeunesse au niveau adolescent c'est extrèmement important. Et puis, on ne peut pas soutenir sérieusement que l'école n'aura aucune responsabilité à cet égard.

Alors il faudrait examiner cela de beaucoup plus près... au moins il y a une certaine ouverture.

Georges Convert: Monsieur Ryan il nous reste peu de temps. Je voudrais quand-même en 2 ou 3 mots parler des comités catholique et protestant du conseil supérieur de l'éducation. Et puis peut-être aussi, parce que c'est aussi fondamental: qu'est-ce que c'est que la clause dérogatoire ?... et comment elle joue par rapport aux décisions du Rapport Proulx ?

MUSIQUE

Georges Convert: Alors peut-être rapidement: les comités catholique et protestant, est-ce qu'il faut les maintenir, est-ce qu'il faut les transformer ? Ce sont deux comités qui sont au sein du conseil supérieur de l'éducation. Est-ce qu'ils ont encore leur rôle ?

Claude Ryan: Ces comités ont été créés en 1963: là, quand on a fait la loi sur le minsitère de l'éducation, en remplacement des anciens comités catholique et protestant qui avaient la haute main sur le système d'éducation. Cela fait partie du compromis historique dont je vous ai parlé plus tôt. Ils étaient chargés par la loi de veiller aux aspects moraux et religieux de l'éducation en particulier, l'approbation des programmes d'enseignement religieux, le caractère confessionnel des écoles, etc.

Quand nous avons refait la loi en 1988, nous avons inscrit des dispositions analogues, nous avons fait plusieurs modifications, mais fondamentalement nous avons maintenu les comités avec une autorité, un pouvoir réel sur des décisions concernant la place de l'enseignement de la religion dans les écoles. Si on enlève tout enseignement de la religion, tout caractère religieux des écoles, évidemment ces comités-là n'ont plus leur place, parce que... ça saute aux yeux.

Mais si nous maintenons le droit à l'enseignement religieux, à ce moment-là, il faut un minimum de structures pour assurer qu'il va se réaliser concrètement. «a ne peut pas être le ministre de l'éducation qui va décider du contenu du programme d'enseignement religieux, à chacun des 11 niveaux du cours primaire et secondaire. Il va falloir une structure quelconque, est-ce que ce sera les comités confessionnels dans leur forme actuelle ? Il faudrait que ce soit une structure qui soit une certaine distance du gouvernement. Ça ne peut pas être uniquement un service à l'intérieur du ministère de l'éducation, parce que là ce seraient des fonctionnaires nommés par le ministre dépendant entièrement de lui. Il faut quand-même que la religion reste libre vis-à-vis du pouvoir politique. Donc, il faudra une structure tampon entre le ministre et l'élève et les parents, pour assurer que l'enseignement de la religion soit sérieux; libre en même temps, c'est très important.

Georges Convert: Alors dernier point donc. Cette clause dérogatoire, parce qu'on en parle beaucoup: certains tirent même ce problème, de la clause dérogatoire, pour justifier leur position par rapport à cette séparation complète de la religion et de l'école. Qu'est-ce que vous pensez de ça ?

Claude Ryan: Nous vivons sous un régime de chartes de droits.

Nous avons une charte québecoise, nous avons une charte canadienne. La charte canadienne est plus importante juridiquement parce qu'elle est inscrite dans la constitution du pays.

Et ces chartes prévoient que chaque personne doit jouir de: la liberté de pensée, de la liberté de religion, la liberté d'association, la liberté de réunion, etc.

La charte précise plus loin que ces libertés doivent être exercées dans un contexte d'égalité entre les personnes devant la loi. Alors certains soutiennent, non sans vraisemblance, que si vous permettez qu'une école soit confessionnelle catholique ou protestante, à ce moment les enfants dont les parents ne sont pas catholiques ou protestants vont être obligés de s'inscrire dans une école qui n'a pas les mêmes valeurs que ses parents. Là ils pourront contester cet élément au point de vue, au nom de la charte.

Et même si c'est dans une école où vous n'avez que l'enseignement catholique parce que 95% des parents ont demandé l'enseignement catholique: il y avait 2 élèves dont les parents ne voulaient pas... Les parents de ces 2 élèves pourraient se présenter devant les tribunaux, et puis dire: "nous autres nous sommes traités inégalement".

Il pourrait arriver qu'un tribunal... les tribunaux ne sont pas toujours des repaires de sagesse non plus, il peut arriver que des fois ils décident en prenant la règle en comptant d'une manière joliment étroite... laisser toutes ces décisions-là dans les mains des tribunaux c'est dangereux aussi, mais il pourrait arriver sous l'empire des chartes que beaucoup des dispositions que nous avons actuellement soient déclarées contraires aux chartes.

Il est prévu dans les deux chartes une clause permettant au parlement, soit l'Assemblée Nationale, soit le Parlement Canadien selon le cas de soustraire telle ou telle loi, ou tel ou tel article d'une loi à l'empire des chartes, pour des raisons qu'ils doivent évidemment expliquer.

Dans la cas de la charte Canadienne la clause dérogatoire peut être invoquée pour une durée maximale de 5 ans. Tandis qu'au Québec elle peut être invoqué pour une période d'une durée indéfinie. Le problème s'est posé là, parce que la période de cinq ans expire à la fin de cette année. C'est pour ça qu'on l'a renouvelée pour 2 ou 3 ans là récemment.

Moi, j'ai été à l'origine de plusieurs mesures ou le gouvernement a recommandé à l'assemblée Nationale d'invoquer la clause nonobstant.

Je me rappelle quand nous avons eu la loi 178 sur la langue, à ce moment là, la cour Suprème avait décidé que certaines parties de la loi sur la langue traitant de l'affichage... parce que ces parties prescrivaient l'affichage unilingue français étaient inconstitutionelles en violation de la liberté d'expression des gens d'autres langues.

Alors on s'est ( ) d'un jugement, on a adopté une loi températrice, mais une loi qui n'était pas garante de toute attaque au nom des chartes. Alors on a mis la clause nonobstant, cela a provoqué la démission de 3 de mes collègues du cabinet que j'estimais beaucoup... trois collègues anglophones ont démissionné. Et moi je trouvais que cette clause-là était nécessaire pour nous permettre de trouver un meilleur équilibre.

Après cela, Monsieur Bourassa m'avait demandé de prendre la responsabilité de la politique linguistique et je crois pouvoir dire en toute vérité que nous avons trouvé pendant cette période une formule de compromis qui a permis de modifier de nouveau la loi 101 d'une manière qui ne rendait plus nécessaire le recours à la clause nonobstant. Puis je suis content de voir que cette disposition a été maintenue sous le gouvernement actuel.

Alors voilà un exemple, ou un recours à la clause nonobstant est important pour la paix sociale, pour la concorde entre les citoyens et pour donner au gouvernement le temps de trouver une solution qui serait plus réaliste, mieux adaptée et peut-être plus libre du climat passionel de l'époque où la loi fût discutée, alors voici un bon exemple.

Il est arrivé des cas, quand nous sommes obligés de voter une loi spéciale pour ramener des syndicats au travail, comme le gouvernement sera probablement obligé de le faire là, avec les infirmières. À ce moment-là on viole le droit d'association de travailleurs parce qu'on leur impose des contraintes qui vont plus loin que les chartes. À ce moment-là les tribunaux peuvent décider que nous l'avons fait pour des motifs raisonnables, mais ils peuvent décider que ces motifs n'étaient pas raisonnables. Donc il est plus prudent d'invoquer la clause nonobstant pour s'assurer qu'on ne recommencera pas une grève une fois qu'elle a été réglée par les ( ).

En matière religieuse par conséquent: quand on a fait la loi 107, on a inscrit une clause nonobstant pour s'assurer qu'on n'aura pas de ces chicanes interminables devant les tribunaux.

Puis je serais étonné qu'il ne soit pas opportun d'y recourir de nouveau. Je n'exclus pas cette possibilité-là. Un bon législateur va faire tout ce qu'il peut honnêtement pour éviter de recourir à la clause nonobstant.

Moi je suis un chartiste, moi-même j'étais favorable à la charte Canadienne, je le suis encore; à la charte Québecoise, je le suis encore. Mais je me dis: il faut quand-même que le législateur ait une certaine soupape de sûreté. Et puis qu'à un moment donné il se dise: là, voici une question pendant quelques années, j'aime mieux que ce soit le gouvernement qui la règle que le juge de la cour supérieure ou de la cour suprême.

Puis c'est une position qui est tout à fait défendable, tout à fait légitime. Et n'oublions pas que les chartes quand elles contiennent une clause dérogatoire, définissent un droit, définissent un droit du législateur de décider que dans l'intérêt public: pour une meilleure compréhension du bien commun, c'est mieux que cette question là ne devienne pas soumise à l'arbitrage de tribunaux, mais reste soumise à l'arbitrage du pouvoir politique.

Et voilà ce qu'est la véritable démocratie à mon point de vue.

Georges Convert: Alors Monsieur Ryan sur ces paroles: merci beaucoup d'avoir ainsi éclairé, je pense le Rapport Proulx. Un rapport très important. On y reviendra sans doute encore au cours de nouvelles émissions d'ENTRETIENS.


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